Une croyance bien encrée dans le monde musulman est l'altération de la Torah et de l'Evangile, et le sort des Juifs et des chrétiens. Dans ce billet, nous allons voir que dans ces domaines aussi, des changements se sont opérés au fil du temps depuis l'époque de Muhammad.
I. Le fait de ne pas se plier aux lois de la Torah des Juifs est condamné dans le Coran :
(5/44) : "Nous avons fait descendre la Torah dans laquelle il y a guide et lumière. C’est sur sa base que les prophètes qui se sont soumis à Allah, ainsi que les rabbins et les docteurs jugent les affaires des Juifs. Car on leur a confié la garde du Livre d’Allah, et ils en sont les témoins. Ne craignez donc pas les gens, mais craignez Moi. Et ne vendez pas Mes enseignements à vil prix. Et ceux qui ne jugent pas d’après ce qu’Allah a fait descendre, les voilà les mécréants."
Ce verset commande ouvertement aux israélites d'appliquer, à défaut de pratiquer le Coran [note], la Torah. Soulignons que ce passage se trouve dans l'une des dernières sourates chronologiques. Nous verrons plus loin comme l'idée de l'altération de la Torah a poussé les exégètes à interpréter ce verset explicite pour le faire coller à cette croyance. On constate en effet que Muhammad a jugé deux adultérins israélites suivant la Torah.
Du temps de l'invasion de la Palestine par Nabuchodonosor, les Lévites ont fuit la région et certains se sont installés à Yathrib. En sorte que ceux-ci étaient dépositaires du temps de Muhammad d'une version archaïque de la Torah ayant échappé à la relecture érudite opérée à Babylone et Alexandrie.
II. Ils dévient les mots de leurs sens :
De quoi accuse le Coran les gens du Live ? Une partie d'entre-eux d'associer à dieu Osée "Les israélites ont dit Osée est le fils de dieu" (en effet, certains Juifs mystiques considèrent Osée comme une incarnation de Metatron engendré par les dieux, les elohim), une autre partie est accusée d'avoir rédigé des rouleaux n'émanant pas de Dieu, une partie encore de faire dévier les mots de leur sens et ne pas obéir aux lois, ainsi que d'autres de cacher des passages.
(9:30) : "Les Juifs disent : 'Uzayr est fils d’Allah' et les Chrétiens disent : 'Le Christ est fils d’Allah'. Telle est leur parole provenant de leurs bouches. Ils imitent le dire des mécréants avant eux. Qu’Allah les anéantisse ! Comment s’écartent-ils (de la vérité) ?"
(9:30) : "Les Juifs disent : 'Uzayr est fils d’Allah' et les Chrétiens disent : 'Le Christ est fils d’Allah'. Telle est leur parole provenant de leurs bouches. Ils imitent le dire des mécréants avant eux. Qu’Allah les anéantisse ! Comment s’écartent-ils (de la vérité) ?"
(3:78) : "Et il y a parmi eux certains qui roulent leurs langues en lisant le Livre pour vous faire croire que cela provient du Livre, alors qu’il n’est point du Livre; et ils disent : 'Ceci vient d’Allah', alors qu’il ne vient point d’Allah. Ils disent sciemment des mensonges contre Allah."
(2/79) : "Malheur, donc, à ceux qui de leurs propres mains composent un livre puis le présentent comme venant d’Allah pour en tirer un vil profit! - Malheur à eux, donc, à cause de ce que leurs mains ont écrit, et malheur à eux à cause de ce qu’ils en profitent !"
Qu'est-ce qui est critiqué comme dévier le sens des mots ? Il est à rappeler que du temps de Muhammad, les Massorètes (בעלי המסורה) étaient en train de standardiser les rouleaux de la Torah et leur déchiffrement. Comme mentionné plus haut, ceux-ci s'étaient divisés à son sujet. Dans les anciens manuscrits en araméen et en hébreu du temps de Muhammad, les voyelles étaients encore largement absentes, et les mots étaient accollés les uns aux autres en sorte que de très nombreuses façon de les déchiffre existaient d'un milieu à l'autre. Les Cohanim de Yathrib, descendants disaient-ils d'Aharon s'opposaient sans doute à une telle influence sur les écrits dont ils étaient dépositaires, et le Coran se fait l'écho de ces critiques. Pourtant, de nombreux passages coraniques ignorés dans la Bible post-massorétique sont comparés dans les ouvrages d'exégèses aux israiliyyāt ou midrachim des israélites de Yathrib. Ceux-ci ayant semble-t-il fui la Palestine lors des invasions de Nabuchodonosor II, ou avant, possédaient une version archaïque de la Torah n'ayant pas subi l'influence des déchiffrements érudits d'Alexandrie ou de Babylone, ayant rapproché la lecture de la Torah des croyances sumériennes et romaines, ces peuples étant considérés comme plus instruits et en possession des récits véritables. La version grecque et la peshita étant déjà existantes du temps de Muhammad, mais différent en de nombreux points des versions en hébreu et en araméen primitives des Cohanim de Yathrib. Ces derniers s'opposant à rejeter leurs versions propres et aux standardisations massorétiques. Voilà ce à quoi le Coran se faisait l'écho. Les reproches d'une part reprochant de ne pas se plier aux exigences de la Torah et d'autre part de dévier les mots de leurs sens devenant ainsi éclairci. Autrement formulé, la Torah ne possédant pas de voyelles et sans ponctuation a été organisée d'une façon telle qu'elle a été éloignée de la version archaïque que possédaient les israélites de Yathrib ayant échappé aux invasions et à l'acculturation babylonienne et hellénistique.
III. Sont-ce Moïse et Jésus qui ont rédigé la Torah et l'évangile ?
Une autre croyance erronée est que la Torah et l'Evangile ont été rédigés par Moïse et Jésus. Allusion absente dans le Coran. D'apèrs le Coran, seule les tables de la Loi sont dit avoir été rédigés du temps de Moïse. Historiquement, les langues sémitiques la Torah, tout comme pour le Coran n'était pas encore posé par écrit, et était transmise verbalement. La mise par écrit de la Torah fut réalisée semble-t-il à l'époque de Jérémie et des Rois d'Israël. Tandis que celle-ci consistait en une tradition orale jusqu'alors, selon les usages sémitiques. Pour cette raison, nous relevons que le Coran nomme des passages talmudiques comme faisant partie de la Torah orale. Des différences dans l'ordre des versets et leur organisation dans les manuscrits de la mer Morte ont conforté le Coran sur ce plan. De par l'opposition de la Judée au royaume Omride influence considérablement la rédaction de la Torah au VIeS. Ainsi, les Coahnim de Yathrib descendants des personnes ayant fui la Palestine du temps d'Elie et de Jérémie avaient échappé à cette acculturation. La mention dans le Coran de rouleaux d'Abraham concernaient manifestement certains passages des premiers livres du Pentateuque, concernant les récits cosmogoniques et des patriarches ancestraux.
Quant à l'Evangile, il consistait en les proverbes et sagesses de Jésus. Les rouleaux les rapportant allant progressivement faire corps avec les enseignements propres de Jésus. Autrement, les proverbes et sagesses de Jésus que nous possédons sont le corps de l'Evangile. Le terme évangile, dérivant du mot araméen ܐܘܢܓܠܝܘܢ signifiant "Bonne nouvelle" et désignant les enseignements de Jésus. Pour cette raison, le Coran mentionne systématiquement l'Evangile au sigulier. Tandis qu'en hébreu Torah se dit " תּוֹרָה" c'est-à-dire enseignements.
IV. Sont-ce les seuls musulmans qui entreront au paradis :
(2:62) : "Certes, ceux qui ont cru, ceux qui se sont judaïsés, les Nazaréens, et les sabéens, quiconque d’entre eux a cru en Allah au Jour dernier et accompli de bonnes œuvres, sera récompensé par son Seigneur; il n’éprouvera aucune crainte et il ne sera jamais affligé."
(5:69) : "Ceux qui ont cru, ceux qui se sont judaïsés, les Sabéens, et les Chrétiens, ceux parmi eux qui croient en Allah, au Jour dernier et qui accomplissent les bonnes œuvres, pas de crainte sur eux, et ils ne seront point affligés."
Ce dernier extrait vient de la sourate Maida, la dernière dans l'ordre chronologique. D'après ce verset, tous les monothéistes anciens iront au paradis ? Ce passage est interprété pour en déduire autre chose a contrario en se fondant sur les versets cités infra.
(98:6) : "Les infidèles parmi les gens du Livre, ainsi que les Associateurs iront au feu de l’Enfer, pour y demeurer éternellement. De toute la création, ce sont eux les pires."
Ce passage évoque les personnes parmi les judéo-chrétiens qui associent des êtres à Dieu. Autrement dit ceux parmi eux qui sont égarés. Il demeure donc le cas des monothéistes non islamisés après l'avènement du Prophète Muhammad.
(3:85) : "Et quiconque désire une religion autre que l’islam, ne sera point agréé, et il sera, dans l’au-delà, parmi les perdants."
Il est connu que du temps de Muhammad, certains prophètes surgirent en Arabie poussant certains musulmans à quitter l'islam pour se joindre à ceux-ci. Ce verset concerne plausiblement ces faux prophètes, car Musaylama avait rattaché de nombreux musulmans à sa cause. Par ailleurs, les Juifs et chrétiens n'étaient pas considérés comme hors islam, mais accusés d'égarment.
(3:19) : "Certes, la religion acceptée d’Allah, c’est l’islam. Ceux auxquels le Livre a été apporté ne se sont disputés, par agressivité entre eux, qu’après avoir reçu la science. Et quiconque ne croit pas aux signes d’Allah... alors Allah est prompt à demander compte !"
Ici, les Juifs sont critiqués de renier Muhammad et ne pas le soutenir. Cette position venant d'eux était influent sur les habitants de Yathrib, qui les tenaient comme plus savants.
En de nombreuses occurences, le Coran souligne que l'islam est celui d'Abraham, qui n'était ni Juif, ni chrétien, alors que ces derniers cherchaient à imposer leurs préceptes comme obligatoires. Or, la religion originelle de l'islam était celle d'Abraham. Attirons l'attention sur ce que ce verset ne les menace pas par l'enfer. La religion auprès de Dieu est l'islam, et Muhammad appelle l'humanité à elle, en tant que sceau des prophètes.
(3:32) : "Dis : Obéissez à Allah et au Messager. Et si vous tournez le dos... alors Allah n’aime pas les infidèles !"
Selon le Coran, le judaïsme et le christianisme ne sont pas tenus pour des religions autres que l'islam, mais sont considérés propres aux israélites. En sorte que le christianisme n'est pas non plus tenu pour une religion autre que le judaïsme.
"Certes, la religion acceptée d’Allah, c’est l’islam. Ceux auxquels le Livre a été apporté ne se sont séparés, par agressivité entre eux, qu’après avoir reçu la science." (3:19)
(4:142-151) : "Les hypocrites seront, certes, au plus bas fond du Feu, et tu ne leur trouveras jamais de secoureur, sauf ceux qui se repentent, s’amendent, s’attachent fermement à Allah, et lui vouent une foi exclusive. Ceux-là seront avec les croyants. Et Allah donnera aux croyants une énorme récompense. Pourquoi Allah vous infligerait-il un châtiment si vous êtes reconnaissants et croyants ? Allah est reconnaissant et omniscient. Allah n’aime pas qu’on profère de mauvaises paroles sauf quand on a été injustement provoqué. Et Allah est audient et omniscient. Que vous fassiez du bien, ouvertement ou en cachette, ou bien que vous pardonniez un mal... Alors Allah est pardonneur et omnipotent. Ceux qui ne croient pas en Allah et en Ses messagers, et qui veulent faire distinction entre Allah et Ses messagers et qui disent : 'Nous croyons en certains d’entre eux mais ne croyons pas en d’autres', et qui veulent prendre un chemin intermédiaire (entre la foi et la mécréance), les voilà les vrais mécréants ! Et Nous avons préparé pour les mécréants un châtiment avilissant."
Ce passage du Coran est invoqué par les savants soutenant que les gens du Livre n'entreront pas au paradis sans avoir cru en Muhammad. Cette approche est cependant nuancée du fait des hadiths sur son intercession, ainsi que les versets mis en gras précédant ce passage désignant le triage des prophète comme une vraie mécréance. En réalité, le passage dit plus exactement que ceux-ci "veulent prendre un chemin intermédiaire" et disent en fait "Nous croyons en certains d’entre eux mais ne croyons pas en d’autres" ce qui sous-entend qu'ils sélectionnent leurs prophètes selon leur gré. Ce qui rejoint le verset 142, plus haut qui évoque les hypocrites, ceux-là même qui cherchent un chemin intermédiaire entre la foi et la mécréance. Un autre passage du Coran éclaire ce point ; (2:87) : "Est-ce qu'à chaque fois, qu'un Messager vous apportait des vérités contraires à vos souhaits vous vous enfliez d'orgueil ? Vous traitiez les uns d'imposteurs et vous tuiez les autres.". Ce verset est encore un peu précisé quatre versets plus loin dans la même sourate ; (3:155) : "(Nous les avons maudits) à cause de leur rupture de l’engagement, leur mécréance aux révélations d’Allah, leur meurtre injustifié des prophètes, et leur parole : 'Nos cœurs sont (enveloppés) et imperméables'. En réalité, c’est Allah qui a scellé leurs cœurs à cause de leur mécréance, et il en est que peu qui aient la foi.".
V. Jésus envoyé aux enfants d'Israël :
Il est en outre remarquable que le Coran dépeint Jésus comme envoyé aux seuls enfants d'Israël, afin d'appliquer la Torah, sans rien n'en rejeter hormis des traditions juives externes. Ainsi, le Coran considère les lois dites de Noé (שבע מצוות בני נח), comme suffisantes pour accéder au paradis.
VI. Les commandemants de Noé :
- Ne pas adorer les idoles.
- Ne pas maudire au nom de Dieu et honorer ce nom.
- Ne pas tuer une personne innocente.
- Eviter la perversion sexuelle.
- Ne pas voler.
- Etablir des tribunaux.
- Ne pas manger de la viande arrachée à un animal vivant.
Muhammad cherchait donc à réinstaurer cette religion originelle, et reprochait aux israélites de s'opposer à cela. De même, l'appel au Démiurge en rejetant les idoles, et les prophéties de Muhammad l'érigeaient en prophète selon les critères de la Torah. La mention de la foi en Muhammad pour bénéficier de son intercession est faite dans certains récits, mais d'autres se suffisent à mentionner le monothéisme comme suffisant pour en bénéficier et finalement accéder au paradis.
VII. L'universalité de l'intercession destiné à tous les monothéistes :
À ce sujet, le Coran mentionne en différents endroits le pardon de Dieu envers tous les pécheurs hormis les personne décédées en polythéistes. En outre, il existe une série de hadiths évoquant l'intercession de Muhammad pour toute personne n'ayant rien associé à Dieu pour leur accès au paradis.
En tant que Prophète ultime, Muhammad a l'autorité de lever les mitsvot, comme l'expliquait Rachi dans l'exégèse de la Torah [note].
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