mercredi 18 janvier 2012

XIV. De l'Abandon de la Prière



A. Introduction :

Un point également mécompris en islam est la question de l'abandon des prières (Sˁalāt) quotidiennes. Trois des quatre écoles de jurisprudence tiennent cet acte pour un cas d'apostasie et condamnent même ceux qui ne prient pas à mort. Penchons-nous donc sur le sujet, en assemblant les versets et hadiths invoqués pour justifier cette condamnation à mort dans les ouvrages de jurisprudence, et décortiquons le sujet suivant la méthodologie historico-critique. 






B. Versets :

(74:40-43) : "Dans des Jardins, ils s’interrogeront au sujet des criminels : 'Qu’est-ce qui vous a acheminés à Saqar ?' Ils diront : 'Nous n’étions pas de ceux qui faisaient la sˁalāt, et nous ne nourrissions pas le pauvre, et nous nous associions à ceux qui tenaient des conversations futiles, et nous traitions de mensonge le jour de la Rétribution, jusqu’à ce que nous vînt la vérité évidente [la mort]'."

Il n'est pas fait mention uniquement de l'abandon de la prière en particulier, d'autres péchés y sont associés. Autrement, il faudrait admettre que ne pas donner d'aumône aussi doive être tenu comme un acte d'apostasie. Ce que personne n'a jamais soutenu en islam.


(19:59, 60) : "Puis leur succédèrent des générations qui délaissèrent la prière et suivirent leurs passions. Ils seront châtiés, sauf celui qui se repent, croit et fait le bien : ceux-là entreront dans le Paradis et ne seront point lésés."

Il est fait ici mention outre l'abandon de la prière, de suivre ses passions. Par ailleurs, il n'est pas stipulé que ce châtiment serait éternel.


(107:4-5) : "Malheur donc, à ceux qui prient en négligeant leur sˁalāt,"

Il est non fondé de déduire sur base de ce verset condamnant la paresse à l'égard de la prière, que son abandon serait un acte d'apostasie. Cette déduction n'est donc pas justifiée.


(9:1,5) : "Désaveu de la part d’Allah et de Son messager à l’égard des associateurs avec qui vous avez conclu un pacte : (...) Après que les mois sacrés expirent, combattez les associateurs où que vous y êtes confrontés. Capturez-les, assiégez-les et guettez-les dans toute embuscade. Si ensuite ils se repentent, accomplissent la sˁalāt et acquittent la Zakāt, alors laissez-leur la voie libre, car Allah est Pardonneur et Miséricordieux."

Ce verset institue une permission de libérer les captifs de guerre convertis parmi les associateurs de la Mecque qui ont rompu le pacte de non agression et qui ont été capturés par les fidèles. Etendre cela à une règle impérative de prier au péril d'être combattu, ou même à tous les associateurs, est une extrapolation du sens du verset au-delà de son contexte. D'après ce verset, la repentence, le fait de prier et d'acquitter la zakāt sont désignés comme une raison suffisante pour leur rendre la liberté. Autrement, ne pas payer la zakāt devrait être tenu également comme une preuve d'apostasie : chose n'étant soutenue par aucun savant musulman.


(2:143) : "Et aussi, nous avons fait de vous une communauté de justes pour que vous soyez témoins aux gens, comme le Messager sera témoin de vous. Et nous n’avions établi la direction vers laquelle tu te tournais que pour savoir qui suit le Messager et qui s’en retourne sur ses talons. C’était un changement difficile, mais pas pour ceux qu’Allah guide. Et ce n’est pas Allah qui vous diminuera la foi, car Allah, certes est Compatissant et Miséricordieux pour les hommes."

Ici, la prière est comptée comme une preuve et une partie de la foi suivant la lecture littérale du passage. On rapporte en effet l'inquiétude des fidèles sur le sort des défunts ayant prié autrefois en direction de Jérusalem, et le verset répond "ce n’est pas Allah qui vous diminuera la foi". Or, cela ne désigne point la sˁalāt comme l'entièreté de la foi. Il n'est pas fondé de qualifier les manquements à la prière comme une preuve d'apostasie sur base de ce verset.


(2:256) : "Nulle contrainte à la religion! Car le bon chemin s’est distingué de l’égarement. Donc, quiconque mécroit au Rebelle tandis qu’il croit en Allah saisit l’anse la plus solide, qui ne peut se briser. Et Allah est Audient et Omniscient."

L'ordre est ici clair. Il n'y a pas un seul cas de conversion forcée par le prophète Muhammad qui soit avancé dans aucun ouvrage ancien. Il n'y a pas un exemple de contrainte exercée par le Prophète à quiconque au sujet de l'exécution d'un acte cultuel. Il ne faut pas confondre la violation des interdits avec ceci.


(4:48) : "Certes Allah ne pardonne pas qu’on Lui donne quelqu’associé. A part cela, il pardonne à qui il veut. Mais quiconque donne à Allah quelqu’associé commet un énorme péché."

L'abandon de la prière n'est pas un acte d'association, et n'annule pas la foi, même si cela la lèse. La personne convaincue allant de fait s'appliquer plus sereinement aux préceptes coraniques de par sa foi. La prière constituant une partie émergeante de la foi des fidèles, mais n'en constituant nullement l'entièreté au point de qualifier celui qui l'abandonne d'apostat.



C. Hadiths :

C-1. Le hadith de référence :



Rapporté d'après Jaber sous diverses formes : "[Certes] Parmi ce qui différencie l'homme/le serviteur/la foi de la mécréance [et/ou de l'association] compte [seulement] la sˁalāt, [quiconque abandonne la sˁalāt a dénié/associé.]" (Nasai, Sˁalāt.)

ان بين الرجل و بين الشرك و الكفر ترك الصلاة
بين العبد و بين الكفر ترك الصلاة
بين الكفر و ايمان ترك الصلاة
بين العبد و بين الشرك او الكفر ترك الصلاة
ليس بين العبد و الشرك الا ترك الصلاة فادا تركها فقد اشرك
ليس بين العبد و بين الشرك او بين الكفر الا ترك الصلاة

Ici, est souligné que la prière est un rite islamique, et que la considérer comme non islamique et l'abandonner est un acte de déni. Si une personne accepte la prière comme un devoir, mais ne prie pas, il n'est pas exact de qualifier cela comme un abandon. L'abandon nécessitant l'intension de ne pas se rattraper ou s'y mettre plus tard. Ce hadith ne nous parvient de façon saine que via Jaber, or, il n'est pas stable, ce qui montre qu'il a été transmis selon le sens et non pas selon la forme originelle. Or ce hadith dérive du hadith source que nous allons analyser dans le prochain point.

Ce hadith est également rapporté selon Anas via Yazid ibn al-Raqqachi qui est considéré faible. Et également selon Burayda via al-Hussayn ibn Waqid qui est également rapporté comme confondant des hadiths. Or, dans une autre version, il rapporte que les Sahabas considéraient l'abandon de la prière comme une preuve de déni :

 كان اصحاب محمد صلي الله عليه و سلم لا يرون شيأ من الاعمال تركه كفر غير الصلاة

Ce qui veut dire en fait qu'il transmet que la règle d'accepter l'abandon de la prière comme une défaillance dans la foi est l'avis unanime des Sahabas.

Le hadith nous parvient également selon l'autorité du Prophète sous une forme abrégée du genre : "Celui qui abandonne la prière a certes dénié."

Ici aussi, il est question d'abandonner la prière dans sa totalité, ne la tenant pas pour un devoir nécessaire. Il ressort que les nombreux hadiths allant en ce sens sont en fait des variantes du hadith selon Jaber cité plus haut.


C-2. Origine du hadith de référence, le hadith source :

Said ibn Jubayr rapporte d'après ibn Abbas : "Le Prophète envoya al-Miqdad ibn al-Aswad en expédition militaire, quand ils sont arrivés, le peuple s’était enfui. Mais un homme resta près du butin et dit : 'Je témoigne qu’il n’y a aucune divinité en dehors d’Allah', mais al-Miqdad s’approcha de lui et le tua. Un des hommes lui dit : 'As-tu tué une personne qui témoigne de l’unicité d’Allah ? Par Allah, j’informerais le Prophète.' Puis quand ils arrivèrent au prophète ils dirent : 'Ô Messager ! Un homme a témoigné de l’unicité d’Allah et Miqdad l’a tué, celui-ci répondit : 'Appelez-moi al-Miqdad. Ô Miqdad as tu tué un homme qui témoigne de l’unicité d’Allah ? Comment vas-tu te justifier demain avec ce témoignage ? Le verset fut donc révélé : 'Ô vous qui avez cru lorsque vous sortez pour luttez dans le sentier d’Allah... jusqu’à ...voyez donc bien clair ...' Le Prophète dit lors : 'C’était un homme qui cachait sa foi parmi les mécréants, puis quand il a fait ressortir sa croyance tu l'as tué alors que tu faisais la même chose à la Mecque'. Et le Prophète ajouta : 'Il m’a été ordonné de combattre les gens jusqu’a ce qu’ils témoignent qu'il ny a d'autre divinité qu'Allah (9:5). Si ces derniers en témoignent ; je protégerai leurs sang et leur bien et leurs jugement appartiendra a Allah'."

D'après Anas on obtient ce rajout : "J’ai reçu l’ordre de combattre [ou tuer] quiconque jusqu’à ce qu’il atteste qu’il n’y a de dieu si ce n’est Allah, qu’il accomplisse la prière, donne la Zakāt. Et s’il fait cela, alors je lui garantis [protection] de son sang et de ses biens."


C-3. Variantes au sujet du hadith :

Selon Barida ibn Hassib : "L'engagement qui nous lie à eux repose sur la prière. Quiconque l'abandonne devient négateur."

Selon la version de Muslim : "[...] jusqu'à ce qu'ils témoignent qu'il n'y a de dieu que Dieu, qu'ils croient en moi et à ce que j'ai rapporté."


Muslim a également rapporté ce hadith du Messager qu'abu Malik al-Achja'i tient de son père : "J'ai entendu le Prophéte dire ; 'Celui qui témoigne qu'il n'y a de dieu que Dieu renie ce qui est adoré en dehors de Dieu, Dieu préserve sa vie et ses biens. Et c'est à Dieu qu'il aura à rendre des comptes'."


Selon Jaber : "Le pacte qui se tient entre nous et eux est la prière ; quiconque l'abandonne devient négateur [kâfir]." (Ahmad, 22428 ; Tirmidhî, 2621 ; An-Nissâ'i, 462)


Selon Jaber : "Entre un homme et le Chirk [polythéisme] et le kufr [mécréance] se tient son accomplissement de la prière." (Muslim, 242)

Le rajout du terme chirk (association) montre le lien établi avec le verset (9:1,5). Alors que le hadith source ne mentionne nullement la nécessité de prier pour être protégé par l'islam.


C-4. L'incident des apostats sous abu Bakr :

Abu Hurayrah a rapporté que lorsque le Messager fut mort, qu’abu Bakr lui eut succédé et qu’un certain nombre d’Arabes eurent renié leur foi, Umar dit à abu Bakr : "Comment vas-tu combattre les gens alors que le Messager a dit : "J’ai reçu l’ordre de combattre les gens jusqu’à ce qu’ils disent qu’il n’y a d’autre divinité qu’Allah. Celui qui a dit qu’il n’y avait d’autre divinité qu’Allah a rendu pour moi sa vie et sa fortune inviolables, sauf le cas où il est punissable d’après la loi. C’est à Allah qu’il appartiendra de régler son compte". Abu Bakr répondit : "Par Dieu, je ne cesserai de combattre ceux qui font une distinction entre la prière et l’aumône légale (déclarant que la prière est imposée aux musulmans par Dieu, et non l’aumône légale) ; car l’aumône légale est une obligation pour les biens. Par Dieu, s’ils me refusaient un licou qu’ils livraient en impôt au Messager, je les combattrais à cause de ce refus.". Umar ibn al-Khattâb dit : "Par Allah, dès que j’ai vu que Dieu Exalté Soit-il a apaisé le cœur d’abu Bakr par l’idée de combattre, j’ai su que telle était la vérité".


C-5. Consensus chez les Sahabas sur ce sujet :

Cette double autorité selon abu Bakr et Umar a engendré un consensus chez les Sahabas à ce sujet. Car il n'y a aucun hadith prophétique évident à ce sujet. Cet incident révèle en réalité de façon claire que ni abu Bakr, ni Umar ne considéraient à ce moment l'abandon de la prière comme un acte nécessitant la mise à mort. C'est bien après la position d'abu Bakr, soutenue par Umar que cela est considéré comme une nécessité d'ordre public. Cet incident montre que jusqu'à ce moment, il n'était pas envisageable de verser le sang d'une personne témoignant de l'uncité de Dieu. Ainsi, l'abandon de la prière est définie selon Jaber comme un "autre" point nécessaire pour se démarquer des polythéistes. Bien que cela ferait l'unanimité des Sahabas, seul lui appuie cela par un hadith, transmis interprétativement (bi'l ma'na).


C-6. Le verset ayant interféré avec le hadith source :

(9:1,5) : "Désaveu de la part d’Allah et de Son messager à l’égard des associateurs avec qui vous avez conclu un pacte : (...) Après que les mois sacrés expirent, combattez les associateurs où que vous y êtes confrontés. Capturez-les, assiégez-les et guettez-les dans toute embuscade. Si ensuite ils se repentent, accomplissent la sˁalāt et acquittent la Zakāt, alors laissez-leur la voie libre, car Allah est Pardonneur et Miséricordieux."

Nous avons souligné plus haut que ce verset concerne très précisément les associateurs de la Mecque en état de guerre avec le Prophète, et après la trève d'Hudaybiyya. Etendre cela à tous les associateurs est donc une erreur évidente contrevenant au hadith source. Par ailleurs, il est question de libérer des captifs islamisés, non de personnes déjà  de statut libre.



D. L'Abandon de la Prière d'al-Asr :

"Celui qui abandonne la prière d'al-Asr, ses ouvres sont perdues." (al-Bukhāri, Mawakit ; Nasai, sˁalāt.)


"Celui qui manque la prière d'al-Asr c’est comme si il avait perdu sa famille et ses biens." (Muslim, Sˁalāt.)

Ces deux variantes montrent que la parole originale a varié. En outre, le fait d'abandonner signifie de quitter définitivement. Le terme al (harfu jar) signifie qu'il s'agit de toutes les prières d'asr et pas une seule de ces prières. Le Coran ne mentionne en effet pas textuellement la prière d'al-Asr.



E. La Foi Peut Coexister Avec la Mécréance :

Qualifier une personne de mécréante, ne signifie pas qu'elle ait apostasié. Le Coran mentionne en effet que la foi et la mécréance peuvent coexister dans un même coeur, de même que des traces d'hypocrisie peuvent exister en une personne sans la rendre hypocrite et donc sans foi véritable.


E-1. Différencier les hypocrites des croyants :

(3:166-167) : "Et tout ce que vous avez subi, le jour où les deux troupes se rencontrèrent, c’est par permission d’Allah, et afin qu’il distingue les croyants, et qu’il distingue les hypocrites. On avait dit à ceux-ci : 'Venez combattre dans le sentier d’Allah, ou repoussez [l’ennemi]', ils dirent : 'Bien sûr que nous vous suivrions si nous étions sûrs qu’il y aurait une guerre.' Ils étaient, ce jour-là, plus près de la mécréance que de la foi. Ils disaient de leurs bouches ce qui n’était pas dans leurs cœurs. Et Allah sait fort bien ce qu’ils cachaient."

Donc, selon le Coran la foi peut cohabiter avec la mécréance dans un même coeur. Etant donné que les deux peuvent coexister dans un coeur, c'est la prépondérance de l'un sur l'autre qui détermine le statut de la personne. Tandis qu'un atome de foi sincère devrait suffire à finalement sortir de l'enfer, s'il n'est pas entaché d'associationnisme. De même qu'il pourrait exister des traces d'hypocrisie chez une personne ayant la foi, sans l'exclure dans le camp de la mécréance.



E-2. Les hypocrites mêlant de bonnes actions à de mauvaises pouvant être pardonnés : 

(9:101-102) : "Et parmi les Bédouins qui vous entourent, il y a des hypocrites, tout comme une partie des habitants de Médine. Ils s’obstinent dans l’hypocrisie. Tu ne les connais pas mais nous les connaissons. Nous les châtierons deux fois puis ils seront ramenés vers un énorme châtiment. D’autres ont reconnu leurs péchés, ils ont mêlé de bonnes actions à d’autres mauvaises. Il se peut qu’Allah accueille leur repentir. Car Allah est Pardonneur et Miséricordieux."

La question serait la sincérité ou non de la foi, fut-elle infime. Donc, une personne hypocrite pourrait être soutenue et épargnée par Dieu et accéder au paradis suivant le Coran.


E-3. Le croyant peut avoir des aspects d'hypocrisie :

D'après Anas ibn Malik, le Prophète a dit : "Trois choses si elles sont réunies chez une personnes alors c'est une hypocrite même si elle jeûne, prie, fait le hajj et la Umra et dit : -Je suis certes musulman- : lorsqu'elle parle elle ment, lorsqu'elle promet elle ne tient pas sa promesse et lorsqu'on lui confie un dépôt elle trahit." (Rapporté par Abou Ya'la et authentifié par Cheikh Albani dans Sahih Targhib n°2938)

Ce sont des indices apparents de ce qui est finalement au fond du coeur de la personne, la question étant de savoir si oui ou non, la personne croit véritablement.


E-4. Protection des personnes témoignant de l'unicité de Dieu :

Said ibn Jubayr rapporte d'après ibn Abbas : "Le Prophète envoya al-Miqdad ibn al-Aswad en expédition militaire, quand ils sont arrivés, le peuple s'étais enfui. Mais un homme resta près du butin et dit : 'Je témoigne qu’il n’y a aucune divinité en dehors d’Allah', mais al-Miqdad s’approcha de lui et le tua. Un des hommes lui dit : 'As-tu tué une personne qui témoigne de l’unicité d’Allah ? Par Allah, j’informerais le Prophète.' Puis quand ils arrivèrent au prophète ils dirent : 'Ô Messager ! Un homme a témoigné de l’unicité d’Allah et Miqdad l’a tué, celui-ci répondit : 'Appelez-moi al-Miqdad. Ô Miqdad as tu tué un homme qui témoigne de l’unicité d’Allah ? Comment vas-tu te justifier demain avec ce témoignage ? Le verset fut donc révélé : 'Ô vous qui avez cru lorsque vous sortez pour luttez dans le sentier d’Allah... jusqu’à ...voyez donc bien clair ...' Le Prophète dit lors : 'C’était un homme qui cachait sa foi parmi les mécréants, puis quand il a fait ressortir sa croyance tu l'as tué alors que tu faisais la même chose à la Mecque'. Et le Prophète ajouta : 'Il m’a été ordonné de combattre les gens jusqu’a ce qu’ils témoignent qu'il ny a d'autre divinité qu'’Allah. Si ces derniers en témoignent ; je protégerai leurs sang et leur bien et leurs jugement appartiendra a Allah'."

Or, une personne ayant un atome de foi dans son coeur devrait finir par être sauvée des flammes de l'enfer : "La personne disant Lâ ilaha illallah" ayant un grain d'orge de foi dans le coeur sortira du feu. La personne disant Lâ ilaha illallah" ayant un grain de blé de foi dans le coeur sortira du feu. La personne disant Lâ ilaha illallah" ayant un atome de foi dans le coeur sortira du feu." (al-Bukhāri ;d'après Anas.)

La question est par conséquent bien la détermination du degré de foi de la personne soupçonnée d'hypocrisie. Or, même si son apparence paraît la présenter comme une mécréante (comme l'abandon total de la sˁalāt, par exemple), si la personne témoigne verbalement d'avoir la foi, il n'est donc pas permis de renier son témoignage sur elle-même.


(4:94) : "... et ne dites pas a quiconque vous adresse le salut de l’islam : 'tu n’es pas croyant'."

Un hadith qui plus est "ahad", ne peut pas abroger un verset. Nous avons vu qu'une personne peut mêler de la mécréance à la foi, au point que son apparence le désigne comme mécréante, sans que celle-ci ne possédât point de foi sincère.



F. L'Abandon de la Prière Pouvant Être Pardonné :


Ubada ibn Samit rapporte ceci : "Celui qui exécute les cinq prières quotidiennes commandées par Dieu sans les mépriser, Dieu lui a promis le paradis. Quant à ceux qui ne les exécutent pas, ils n'ont aucune garantie à ce sujet, ou bien il les châtiera, ou bien il les pardonnera pour cela." (abu Dawud, Witr ; Nasai, Sˁalāt ; Darimi, Sˁalāt ; Malik : al-Muwatta, Sˁalāt'ul layl.)

Donc cela dépendrait de la présence ou non de la foi. Si c'est par hypocrisie alors cela constituerait une preuve de mécréance, mais si c'est par paresse, et que la personne a, ne fût-e qu'un atome de foi, elle finirait par sortir de l'enfer.

Abu Hurayra rapporte : "Au jour du Jugement la première chose sur laquelle les gens seront interrogées sera la prière. Si la personne a exécuté ses prières convenablement, son jugement sera aisé. Autrement il sera dit : 'Observez ses prières surrerogatoires.' Si celles-ci les complètent, le jugement sera facile. Et ses prières surrerogatoires complèteront les prières quotidiennes. Autrement, ou bien il sera pardonné ou bien châtié pour cela." (Tirmidhi Sˁalāt ; abu Dawud, Sˁalāt ; Nasai, Sˁalāt, Tahrim ; ibn Maja, Iqamah.)

Donc cela dépendrait de la présence ou non de foi. Comme cela découle de façon explicite dans le hadith infra.


"La personne disant Lâ ilaha illallah" ayant un grain d'orge de foi dans le coeur sortira du feu. La personne disant Lâ ilaha illallah" ayant un grain de blé de foi dans le coeur sortira du feu. La personne disant Lâ ilaha illallah" ayant un atome de foi dans le coeur sortira du feu." (al-Bukhari ; d'après Anas.)

Le hadith apparaît limpide. La personne n'ayant pas abandonné la prière dans l'intention de ne pas justifier celle-ci comme un devoir exigé par Dieu, et comme faisant partie des conditions de l'islam et qui possède ne fût-ce qu'un atome de foi sincère serait finalement sauve. La prière étant un témoignage tangible de sa foi, mais pas un élément suffisant ou nécessaire à la confirmation de sa foi ou à son infirmation. Quand bien même cela pourrait conduire à la qualifier de dénégatrice, puisqu'elle témoigne être croyante malgré tout.



G. La Source de Cette Condamnation :

G-1. Conditions exigées par des tribus embrassant l'islam :

Il faut se souvenir qu'à l'époque, le Prophète est en bataille avec les polythéistes. Parfois, une tribu ou l'autre arrivait chez le Prophète pour embrasser l'islam, or certains voulaient négocier des conditions. Ces hadiths rappellent que la prière fait partie de l'islam, et qu'il n'est pas question de l'abandonner ou d'en déroger comme un acte non obligatoire de la part d'un fidèle.

Certains chefs de tribus demandaient d'être exempts de payer la zakāt, de consommer des boissons fermentées ou de ne pas prier. Le Coran condamnant ces conditions et interdisant strictement au Prophète de céder à ces conditions. Or, cette idée "d'abandon de la prière" signifiait la tenir comme n'étant pas une obligation religieuse. L'acte de ne pas prier ou y faillir n'étant pas un abandon, dans le sens propre du terme.



G-2. Le sens du terme kufr en langue arabe :

Par ailleurs, le mot kafir a avant son sens terminologique, un sens primaire en langue arabe. Il signifie l'idée de cacher une chose, de planter une graine sous terre, ou de manquer de reconnaissance ou de dénier. Ainsi, ne pas reconnaitre une chose obligatoire est décrite comme un acte de déni. Or, cela ne signifie pas que la personne devienne mécréante dans le sens de ne pas avoir la foi, sens que ce terme acquièrera plus tard dans la terminologie de l'islam tardif. Cela signifie qu'elle a mécru en un point fondamental de l'islam. Ainsi, une personne peut avoir dans le coeur la foi, tout en mécroyant en des obligations religieuses. En sorte qu'elle puisse être qualifiée de mécréante ou de dénégatrice, sans que cela signifie qu'elle soit tenue comme ayant apostasié.


Zayd ibn Khalid rapporte : "Le Messager nous avait fait prier une prière du crépuscule à Hudaybiyya après une pluie. Après la prière, il s'adressa à nous et dit : 'Savez-vous ce que votre seigneur a dit ?' Nous dimes : 'Allah et son Messager sont plus savants.' Il expliqua : 'Allah a dit : Une partie de mes serviteurs a veillé ce matin en croyants, et une autre en négateurs. Ceux qui ont dit que c'est Allah qui a fait pleuvoir ont cru en moi et dénié l'étoile. Tandis que ceux qui ont dit que c'est l'étoile qui a fait pleuvoir ont cru en l'étoile et m'ont dénié.'" (al-Bukhāri, Azhan, İstisqa, Maghazi, Tawhid ; Muslim, Iman.)

Ici, les terme mumin et kafir sont employés dans leurs sens littérals : 'avoir une confiance', ou 'dénier, renier, manquer de respect'. Attribuer les pluies à l'étoile a conduit à mécroire en le fait que c'est Dieu qui fait pleuvoir, et l'attribuer à Vénus signifie que ceux-ci ont cru que c'est elle qui a fait pleuvoir.


G-3. La question de la condamnation à mort :

Il n'existe aucun hadith commandant d'exécuter la personne abandonnant la prière et encore moins un cas d'application du vivant du Prophète. Or le verset suivant est parfois invoqué pour justifier cela :

(9:5) : "Après que les mois sacrés expirent, tuez les associateurs où que vous les trouviez. Capturez-les, assiégez-les et guettez-les dans toute embuscade. Si ensuite ils se repentent, accomplissent la sˁalāt et acquittent la Zakāt, alors laissez-leur la voie libre, car Allah est Pardonneur et Miséricordieux."

Dans ce verset, il est fait mention très précisément des polythéistes Mecquois capturés sur les champs de bataille après leur rupture de la trève. Donc, des esclaves... Il est commandé de les libérer si ils s'islamisent. Jamais personne n'a été tuée pour la raison qu'elle ne priait pas du temps du prophète Muhammad.

Or, du temps d'abu Bakr, les personne refusant de payer la zakāt en disant c'était un dû qu'on devait acquitter pour le Prophète n'étaient pas considérées comme apostats. Etant combattues néanmoins pour une raison de stabilité économico-politique et de trouble à l'ordre public. Pourtant, le verset invoqué pour justifier la condamnation à mort des personne ne priant pas évoque en même temps l'acquittement de la zakāt.


G-4. Sens du term tark en langue arabe :

Reste qu'en langue arabe, le terme rendu par abandonner, le mot taraka signifie l'abandon total et définitif, sans recours. Il désigne ainsi également l'héritage de la personne défunte restant après son décès. Ainsi, dans d'autres variantes on peut lire man lam yusalli, au lieu de man tarak'al sˁalah ; ce qui signifie encore autrement la personne ne priant strictement pas du tout ou refusant catégoriquement de prier. Ce qui est évidement très différent, puisqu'un tel comportement ne devrait pas émaner d'une personne ayant ne fût-ce qu'un atome de foi. Fonder la foi ou la mécréance d'une personne sur base de la prière n'est donc pas un critère rigoureux, ni un critère qui se conforte par le Coran ou la Sunnah.


G-5. Interdiction de tuer une personne sur une base douteuse :

Par ailleurs, il n'est pas admissible d'exécuter une personne si le jugement est entaché d'obscurité ou du moindre doute. D'autant plus que des hadiths soutiennent que le sang d'une personne témoignant de l'unicité de Dieu est protégé sauf a être rendu permis pour le meurtre avec préméditation, l'adultère ou l'apostasie. Cela constituant par ailleurs bien une permission dans les propos du Prophète.



H. Conclusion :

L'abandon de la prière dont il est question signale donc clairement son abandon total, et même ainsi, il n'est pas question de ce que cela condamne la personne à demeurer en enfer, si elle possède tout de même une foi, même infime.









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