Analysons les sources islamiques fondatrices touchant le dessin, la sculpture et la musique. Il est bien ancré dans les esprits via tous les ouvrages de jurisprudence, les manuels religieux, ouvrages d'exégèse et autres que les représentations figurées sont tenues pour strictement prohibées en islam. Nous pouvons lire que le Messager aurait dit que les Anges n'entrent pas dans les maisons où il y a des représentations figurées, que leurs réalisateurs seront maudits et que tant qu'ils ne leur donneront pas de vie ils seront éternellement condamnés à l'enfer. Quoi que plusieurs récits nous sont parvenus avec de très nombreuses variantes, nous voyons que ce tabou se fonde en réalité sur quatre récits fondateurs historiques précis. Quels sont ces événements ayant conduit les savants à la prohibition formelle des représentation figurées ?
B. Evénements fondateurs :
1) Un jour, Aïcha employa un rideau décoré de dessins de chevaux à l'entrée de sa chambre dans la Grande Mosquée de Yathrib. Le Prophète voyant cela lui dit : "Nous n'avons pas été commandé de décorer les pierres et le ciment" en guise de mécontentement. Aïcha rapporte avoir sur ce découpé ce rideau et fabriqué avec des coussins auxquels le Prophète s'appuyait chez-elle sans faire d'autre reproche. (Muslim.)
2) Un jour un chiot entra dans la chambre d'Aïcha et Gabriel ne vint plus visiter Muhammad. Jusqu'à ce que Muhammad trouve le chiot et le sorte de la chambre et alors l'Ange arriva. Cet incident fut fusionné avec le récit précédant par abu Talha conduisant à la croyance que les anges n'entrent pas dans une demeure où figure une image. Pourtant, dans le récit sus-mentionné, Aïcha précise ne pas avoir été témoin d'un tel événement. Autrement dit le fait que Gabriel ne vienne pas n'est pas lié à un interdit sur les images. Ce récit a évolué au gré de sa transmission, au point que Muslim rapporte le récit du chiot selon ibn Abbas via sa tante Maymuna, or ce récit est chadh et improbale. Que le même incident de Gabriël interrompant ses visites survienne trois fois est absurde : une fois avec Aïcha sans reproche sur les images, une fois avec Aïcha lié à un chiot et les images, une fois avec Maymuna lié à un chiot et les images. En outre le récit d'Aïcha est formel : à l'intérieur de sa chambre les coussins comportant des dessins étaient utilisés par le Prophète.
3) Le jour de la prise de la Mecque, le Prophète vit des images dans la Ka'ba et s'abstint d'y pénétrer demandant de les effacer au préalable.
La partie barrée est clairement un rajout postérieur un mudraj'ul matn. Comment donc Qoraïche aurait entendu une telle chose, qui plus est avant de réaliser ces fresques...
Le même récit est repris par ibn Umar sous cette forme : “Le Messager dit : ‘En faisant ces images, ces dessinateurs seront tourmentés.
Cette remarque du Prophète au sujet des églises a été amplifiée avec les autres récits et les débats entre disciples du Prophète, et formé un tabou encore augmenté par le commandement à Ali de démolir les idoles. ibn Hajar aussi souligne ceci. Or, il est question de condamner la vénération des saints. L'idée du "châtiment le plus dûr aux dessinateurs" dérive de cet incident. Dans certaines variantes on lit "donnez-leur la vie". Cet ajout est un commentaire rajouté qui n'émane clairement pas du Prophète. Du premier incident découle l'idée de tabou de "décorer les maisons" et "accrocher des tapis aux murs". En sorte que finalement, certains en déduisirent que le Messager à maudit les dessinateurs, qui est une version interprétative de ces mêmes événements.
Si les images étaient si sévèrement tabou, Salomon et Jésus n'auraient pas réalisé ou commendé de réaliser des statues. Ce qui conforte clairement notre analyse critique présente au sujet de l'établissement de cet interdit après le décès du Prophète.
D. Le Statut de la Musique en Paléo-Islam
La question de la musique en islam a toujours suscité des débats, souvent influencés par des interprétations postérieures et des contextes socio-culturels. Pourtant, lorsqu'on revient aux sources du Paléo-Islam – c’est-à-dire aux pratiques et enseignements du Prophète Muhammad et de ses compagnons – on ne trouve aucune interdiction explicite de la musique en tant que telle.
L'unique hadith sahih souvent utilisé pour prétendre une prohibition de la musique est celui qui mentionne les événements de la fin des temps :
"Certains de ma communauté considèreront comme licites la fornication, la soie (pour les hommes), le vin et les instruments de musique." (Al-Bukhârî, 5590)
Toutefois, une lecture attentive montre que ce hadith décrit une scène où des hommes et des femmes se réunissent pour écouter de la musique tout en consommant des substances enivrantes. Il ne s'agit donc pas d'une interdiction catégorique de la musique, mais plutôt d’une prophétie sur un certain mode de vie décadent. Ibn Hazm (994-1064) lui-même [2], grand juriste andalou, a rejeté l’idée que ce hadith puisse interdire la musique en général, arguant qu’il s’agissait d’une description et non d’une prescription légale.
Plusieurs épisodes de la vie du Prophète démontrent qu'il ne considérait pas la musique et la danse comme illicites.
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Les Abyssins dansant dans la mosquéeUn jour, des Abyssins sont venus à la Grande Mosquée de Médine pour présenter une danse traditionnelle avec des lances. Non seulement le Prophète n’a pas interdit cette manifestation, mais il a même ramené Aïcha pour qu’elle puisse les observer et apprécier le spectacle.
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Les jeunes femmes chantant et dansantLors d’une fête (probablement l’Aïd), des jeunes femmes chantaient et dansaient à proximité du Prophète. Abu Bakr, en les voyant, les a réprimandées, mais le Prophète l’en a empêché en disant : "Laissez-les, car chaque communauté a son jour de fête, et c’est notre jour de fête." (Sahih al-Bukhari, 952)
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Les chants et poèmes pour motiver les caravanesLors des déplacements du Prophète avec ses compagnons, il était courant que des poèmes et des chants rythment la marche des caravanes afin d’encourager les hommes et les chameaux à avancer. Ces chants n’étaient pas considérés comme un mal, mais au contraire comme un outil utile et motivant.
Ce que les textes islamiques dénoncent, ce ne sont pas les instruments ou le chant en soi, mais plutôt les contextes où la musique s’accompagne d’éléments répréhensibles (débauche, ivresse, propos immoraux, etc.). La musique en tant qu’art et moyen d'expression n’a jamais été condamnée par le Prophète.
Ainsi, en revenant au Paléo-Islam, on comprend que la musique était une pratique normale, acceptée et même encouragée dans certaines circonstances. L’interdit repose non sur l’acte lui-même, mais sur l’usage qui en est fait et l’environnement dans lequel il se manifeste.
Le Prophète condamna la construction d'églises sur les dépouilles des saints en vue de les vénérer, il a empêché d'accrocher un rideau avec des dessins de chevaux dans l'enceinte de la Grande Mosquée en tolérant leur usage dans les chambres annexes, et fait effacer les icones de prophètes de l'intérieur de la Ka'ba. Or, son silence sur l'usage de ces images dans la chambre d'Aïcha prouve que ceux-ci n'étaient pas prohibés dans les maisons. Si les dessinateurs d'images étaient tourmentés en enfer, Jésus n'aurait pas formé d'oiseau de glaise, et si ceux-ci étaient commandés de donner vie à leurs figurations, Salomon n'aurait pas fait sculpter de statue. Par conséquent il devient évident que les variantes de ces hadiths incompatibles avec le Coran doivent être triés. De fait une fois triés nous identifions les récits initiaux et comprenons le processus de transformations [note]. Voici la conclusion à laquelle nous arrivons à l'analyse systématique de ces récits.
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